Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.

là-dessus avec les concessionnaires de polders et, puisqu’il est tant d’espaces désertiques en France qui sollicitent leur activité et qui ne demandent qu’à être conquis sur la mer, nous souhaiterions qu’ils y pussent déployer à l’aise leur génie entreprenant et hardi.

Sur un seul point du littoral, nous les prions d’apporter quelque discrétion à leur prurit de conquête : c’est au Mont-Saint-Michel et parce que le paysage marin qui se déroule autour de la célèbre abbaye est son complément naturel. Le Mont-Saint-Michel ne peut être détaché de la mer sans cesser d’être lui-même : ils sont l’un et l’autre dans une étroite dépendance ; ils conspirent au même effet esthétique. L’art aussi a ses droits, qui sont égaux, sinon supérieurs, aux droits des agronomes. Et, quoi qu’on ait dit de la concession accordée à la Compagnie des Polders de L’Ouest par le gouvernement impérial, je ne crois pas qu’il fût dans l’intention de Napoléon III de sacrifier ceux-là à ceux-ci.

Évidemment, il eut mieux valu que la concession ne fût pas accordée, puisqu’elle a été l’origine des embarras présents. Reste à savoir si, aux termes stricts du décret impérial, il eût été loisible à la Compagnie de mettre son programme complet à exécution.

On a de fortes raisons pour en douter. De tout temps la mer jeta dans les fonds de la baie les riches alluvions qu’elle arrache aux falaises normandes mêlées aux débris coquilliers provenant du