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par jour ; nous pouvions y conduire nos charrettes et y empiler nos goémons. Il y avait, là-bas, un coin où il poussait un peu d’herbe salée, que nos moutons broutaient ; maintenant, vous avez tout entouré d’un talus ; vous avez dit à la mer et à nous, qui étions ses parents et ses amis : « Vous ne viendrez plus ici ; ceci est à moi. » Et vous vous étonnez que nous ne soyons pas contents !… Si nous aimions mieux voir là l’eau que du blé, c’est que la mer est toujours pour nous une meilleure voisine que les bourgeois…

Il y avait du vrai dans ces doléances du vieux paysan rapportées par Souvestre. Mais l’esprit humain est ainsi fait qu’il n’aperçoit d’abord, dans les transformations dues au progrès des connaissances, que les petits mécomptes dont ces transformations sont toujours accompagnées : c’est plus tard seulement que, mettant en balance les profits et les inconvénients, il verra combien les premiers l’emportent sur les seconds.

Les marais de Dol, du temps où la mer les recouvrait à demi, avaient aussi certains attraits pour les malheureux riverains qui déterraient des souches mortes : n’empêche que pas un paysan d’aujourd’hui ne voudrait troquer son sort contre celui de ces pauvres gens. Une terre grasse, de beaux légumes, des blés qui balancent au vent leurs têtes lourdes de grains et riches d’espérance valent bien la plate étendue des grèves de jadis et les quelques charretées de goémons qu’on y récoltait au flot de mars. Nous sommes d’accord