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par une ligne droite allant de la Chapelle-Sainte-Anne, sur la côte bretonne, à la Chapelle Saint-Aubert, sur la rive montoise. Par suite de cette concession et de l’établissement, sur l’autre versant de la baie, d’une digue submersible partant de la Roche-Torin et s’avançant vers le Mont, celui-ci est menacé des deux côtés à la fois, à l’est et à l’ouest.


II


Il n’y a rien de comparable, en France et peut-être dans l’univers, au Mont-Saint-Michel. Ce que Balzac disait de Guérande, on pourrait le dire à bien plus juste titre de ce merveilleux ensemble architectural, où l’art a étroitement collaboré avec la nature : « C’est une image exacte du passé, le symbole d’une grande chose défunte, une poésie. » C’est une abbaye et une citadelle, un sanctuaire et une aire. Ses hôtes participaient de ce double caractère : à la fois moines et soldats, ils portaient la cotte de maille sur le froc blanc, se coiffaient d’une calotte de fer et dormaient le chapelet au poing, l’épée dégainée au côté. Entre deux gardes, chaque nuit, ils entendaient l’office. L’office était « pour Dieu, contre Satan » ; la garde « pour le roi, contre l’Anglais. » Sous deux noms, le même ennemi, expert aux embûches sournoises, prompt à saisir l’occasion et à profiter d’un relâchement de la surveillance. Car, pour s’emparer du Mont