Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus sur pour établir un « levé » moral à peu près exact des variations de la conscience d’une race.

Sur un point seulement ces études diffèrent des précédentes et j’ai dû adopter pour certaines d’entre elles la forme du récit. Cette petite innovation sera-t-elle au goût du lecteur ? Il eût été bien délicat de faire intervenir sous leur vrai nom et dans un cadre historique des personnages contemporains. J’ai pensé tout accommoder en leur prêtant d’autres traits ; j’ai déplacé l’action quand je l’ai pu et n’ai conservé que l’essentiel de l’anecdote.

Tout le monde y trouvera son compte. S’il est, au demeurant, des esprits chagrins pour me tenir rigueur d’avoir fait voisiner dans ces récits un Bobinet et un Prosper avec un Piphanic, un Guyomar et une Marie-Reine Tréal, je répondrai que les plus tristes lieux ont leur sourire et que la Bretagne sait se dérider à l’occasion. Sa gaieté n’a rien d’attique, sans doute. C’est la gaieté un peu grosse d’un peuple enfant. Et enfin Bobinet et Prosper ont « existé », tout comme ce bonhomme Piphanic dont ma gaminerie d’écolier ne voyait que les ridicules et que je tiens aujourd’hui pour un des Bretons les plus « représentatifs » qu’il m’ait été donné de rencontrer. Sa vie s’est partagée entre le souvenir et le rêve ; elle s’est écoulée presque tout entière hors du présent, ou plutôt elle s’est arrêtée à un certain moment et elle n’a plus été, à partir de 1830, qu’une longue léthargie, coupée de soubresauts, d’espoirs fous, peut-être de sourdes et déchirantes révoltes, car qui pourrait dire ce qui se passait au fond de l’âme de Piphanic ? Parfaite image de la Bretagne ! Elle