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tiellement au commencement du ixe siècle[1]. Et tel n’est point sans doute l’avis de M. Camille Jullian, pour qui « rien n’est plus controversable que la théorie courante sur les modifications du rivage de la Manche » et qui croit qu’au temps de César « les hautes mers bloquaient déjà la masse solitaire » du Mont-Saint-Michel. Qu’on recule ou qu’on avance l’événement, il y a tout au moins accord chez les savants pour reconnaître que « la mer s’est comportée là comme ailleurs » : le littoral normando-breton a subi au cours des siècles le même travail d’érosion lente et d’affaissement graduel que le littoral de Saint-Brieuc et de Perros-Guirec. L’adjuvant d’un raz de marée n’est nullement nécessaire pour expliquer les empiétements des eaux.

Tant il y a cependant que d’assez bonne heure les riverains bretons de la baie du Mont-Saint-Michel tentèrent d’arracher à la mer ce que la mer

  1. « Les voies romaines, enlisées aujourd’hui sous dix pieds de sable près du Mont même et en divers points de la côte, témoignent que les Romains l’ont vu s’étendre au moins à 6 milles de l’abbaye, jusqu’à Jersey et aux abords des plateaux des Minquierset des Ecrehous, déjà soumis au régime lagunaire. D’après Nennius, abbé de Bangor, l’empereur Maxime, en 383, distribue à ses soldats des terres « au nord du Mont ». C’est seulement au sixième siècle, alors que, exposent les chroniques de Coutances, on accède encore à Jersey par une planche jetée sur un ruisseau, que, définitivement, la forêt a fait place aux marais dans le voisinage du Mont. Celui-ci, en 708, n’est encore entouré qu’aux vives eaux. Les derniers bois qui le relient au rivage disparaissent en 811 : le Mont est enfin un îlot in periculo maris » (Charles Epry).