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même temps la vie s’éveille dans le Marais. Les fermes sortent de leur léthargie hiémale ; un peuple de travailleurs se presse, va, vient, bine, sarcle, bêche, entasse dans les hottes et sur les chariots les succulents produits de ces glèbes marneuses qui cachaient en elles une sève si puissante. De grands troupeaux de ruminants paissent en liberté dans des prairies vastes comme des steppes. L’air est tout frémissant d’abeilles. Dans les labours, et pour parler comme les impressionnistes, les houppes veloutées des trèfles mettent une note inattendue, d’un rouge profond, sur l’or des blés, sur les verts épanouis des navets et des rutabagas ; les asperges pointent ; les choux bombent ; les oignons… Ah ! que font les oignons ? Bref, pas un coin de champ, une parcelle de terrain qui reste en jachère ; on ne trouve céans ni landes, ni genêts, ni fougères, ces végétaux des pays pauvres. La terre rend au centuple les semences qu’on lui a confiées ; un hectare d’emblavure produit jusqu’à 45 hectolitres ; la luzerne donne jusqu’à trois coupes. Étonnez-vous, après cela, que la crise agricole ait retenti faiblement sur les prix de location de cet heureux pays. Avant cette crise, le loyer moyen des polders dolois était de 166 francs par hectare ; aujourd’hui, exception faite pour quelques parcelles moins privilégiées, le loyer moyen de l’hectare est encore de 150 francs.

Il n’y a pas à dire : c’est du bel ouvrage ! Et l’on ne peut, en bonne justice, marchander son admiration aux valeureux pionniers qui ont conquis à