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Mais on dirait qu’il y a dans certains mots une vertu plus forte que la volonté des hommes : faussés, travestis, chargés de tous les péchés d’Israël, ils gardent un rayonnement mystérieux ; ils agissent encore sur l’imagination, quand ils ont cessé d’agir sur les cœurs. Et c’est ainsi que Marc-Pierre, à mesure que le temps coulait et que les calendes d’hiver déroulaient leurs solennités, sentait croître en lui le désir d’approcher ces Rois qu’il détestait et ce Dieu auquel il ne croyait pas.


II


À la fin il n’y put tenir. C’était le soir de l’Epiphanie. Il pleuvait. M. Pencallet palabrait chez Lonquer, le cabaretier radical du bourg ; l’esprit de Madame Pencallet voyageait à domicile dans un roman-feuilleton ; Marc-Pierre, sur la pointe des pieds, se glissa dehors, enjamba l’échalier du cimetière qui entoure la vieille église paroissiale et attendit quelque temps, dans l’ombre du porche, avant d’oser entrer.

Le silence du lieu saint le rassura. Il souleva doucement le loquet, se pencha : personne dans le choeur ; personne dans les bas-côtés. Et il n’hésita plus. Dans l’abside seulement, deux religieuses, deux Sœurs blanches, agenouillées, la tête dans les mains, priaient devant la crèche. Elles n’étaient