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réminiscence du paganisme, une plate et maladroite copie de l’ancienne fête celtique de la germination. Il paraissait bien sur de sa leçon, Marc-Pierre — sainte revanche du bon sens populaire qui, de deux bouts de prénoms ridicules, lui avait fabriqué, par contraction, ces jolis paronymes chrétiens ! — Dans le fond, les oranges et les sucres d’orge le troublaient ; il éprouvait obscurément que les fortes notions philosophiques emmagasinées dans son cerveau d’écolier ne prévalaient pas contre ces « réalités » savoureuses. Et pourquoi ses parents à lui ne mettaient-ils pas des friandises dans ses souliers ? Est ce que les enfants d’instituteurs ne sont pas bâtis comme les enfants des autres hommes ? N’ont-ils point accès aux mêmes joies ? Ne saurait-il jamais y avoir pour eux de Jésus et de bonhomme Noël ?

Ô merveilles qu’on rapportait de ce Jésus ! Derrière l’autel, au chevet de l’église, il reposait, les bras ouverts, sur une litière de paille fraîche, entre son père Joseph et sa mère Marie ; le bœuf et l’âne lui faisaient un nimbe de leurs haleines ; une étoile s’était détachée du ciel pour se fixer au plafond de la crèche ; Gabriel, sur le seuil, tenait toute droite sa grande flambe à spirales et, dans un paysage d’une blancheur éblouissante, des bergers, des bûcherons, des remouleurs, des cornemuseux, des marchands, même des Rois, se hâtaient vers l’Enfant-Dieu.

Marc-Pierre détestait les Rois, qui sont tous des tyrans, des ogres assoiffés de sang humain.