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céruléens, profonds, doux et tristes, deux yeux de rêve où s’était blottie peureusement toute la grâce, toute la candeur qu’on semblait avoir pris à tâche de refouler du reste de ce visage.

Il s’était faufilé dans l’église à la nuit tombée, quand n’y demeuraient plus que quelques fidèles tout absorbés dans leurs dévotions et auxquels il pensait bien que sa présence échapperait. Personne ne l’avait vu entrer. La nef n’était éclairée que par la petite lampe du sanctuaire, qui laissait les bas-côtés dans l’ombre et l’on devinait seulement à une lueur diffuse les cierges qui brûlaient dans l’abside, derrière l’autel, devant la crèche de l’Enfant Jésus.

C’est vers cette lueur qu’il allait, se coulant de pilier en pilier, étouffant son pas. Le cœur lui battait un peu sans doute, comme il nous bat toujours à une première faute… Et c’était la première fois, en effet, que le petit Marat-Danton-Robespierre Pencallet se permettait d’enfreindre la consigne paternelle et de pénétrer dans un de ces repaires de la superstition et du fanatisme qu’on appelle une église.

Il avait assez longtemps lutté contre son envie : le matin du réveillon encore, quand ses camarades l’étaient venus narguer avec les oranges et les sucres d’orge trouvés dans leurs sabots, il s’était montré très digne vraiment ; il leur avait débité sans broncher, d’une petite voix nasillarde de phonographe, toute une savante tirade sur la stupidité de cette fête de Noël qui n’est qu’une