Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« L’aïeul, retiré pendant le reste de l’année au fond de son appartement, reparaissait dans ce jour comme la divinité du foyer paternel. Les petits-enfants, qui depuis longtemps ne rêvaient que la fête attendue, entouraient ses genoux et le rajeunissaient de leur jeunesse. Les cœurs étaient épanouis, la salle du festin était décorée et chacun prenait un vêtement nouveau : au choc des verres, aux éclats de la joie, on tirait au sort ces royautés éphémères ; on se passait un sceptre qui ne pesait point aux mains du monarque. Souvent une fraude, qui redoublait l’allégresse des sujets et n’excitait que les plaintes de la souveraine, élevait au trône la fille du lieu et le fils du voisin nouvellement arrivé de l’armée. Les jeunes gens rougissaient, embarrassés qu’ils étaient de leur couronne ; les mères souriaient et l’aïeul vidait sa coupe à la nouvelle reine ; le curé, présent à la fête, recevait, pour la distribuer avec d’autres secours, cette première part, appelée la part des pauvres. Des jeux de l’ancien temps, un bal, dont quelque vieux serviteur était le musicien, prolongeaient les plaisirs, et la maison entière, nourrices, enfants, fermiers domestiques et maîtres, dansaient ensemble la ronde antique. »

Voilà bien comme les choses devaient se passer autrefois dans les châteaux bretons. Et peut-être s’y passent-elles encore ainsi dans quelques-uns. La cérémonie s’est seulement simplifiée : comme l’électricité ou le gaz et, à tout le moins, le pétrole ont remplacé presque partout les chandelles, on