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était encore de ce monde et n’avait pas jeté le froc aux orties, assurez-vous qu’il ne fut pas des derniers à quitter son cloître et à prêter le serment. Lamentable, mais inévitable conséquence de la violence qu’il avait subie à son entrée dans les ordres. Le petit Frère n’était évidemment pas fait pour la vie monastique : il aimait Marie-Anne Durivaux, qui le payait largement de retour, et ce n’était qu’à contre-cœur qu’il avait fini par céder aux injonctions paternelles. Peut-être était-elle son élève, et l’initiait-il aux délicatesses du rudiment armoricain. Et peut-être était-ce tout l’inverse, et François prenait-il des leçons de Marie-Anne. Tant il y a que le petit Frère et son amie se rencontraient chez une voisine complaisante, Mme Loupsan. À la veille du départ de François pour Langonnet, la Loupsan leur ménagea une dernière entrevue. Marie-Anne voulut que François emportât de cette entrevue un souvenir ineffaçable : les amants épuisèrent en une nuit — une nuit embaumée de printemps, qui se prolongea jusqu’à noue ou bien près — toutes les félicités de l’amour défendu. La Grammaire françoise-celtique du bon Grégoire, « où ils n’avaient pas lu plus avant » cette nuit-là, s’était échappée de leurs doigts : vers deux heures de l’après-midi elle se retrouva tout à point, sous les couvertures, pour consacrer le libre échange de leurs âmes...

« O felix nox, beata nox ! s’écriait au lendemain de la nuit où il avait approché Christine de Stommeln le diacre Pierre de Dacia… O dulcis et delectabilis nox, in qua mihi primum est degustare datum quam suavis est Dominus ! »