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Comment enfermer entre ces pages tous ces aspects d’une contrée ? Comment montrer la terre et faire entendre la mer ? Comment rassembler ici cette foule et la garder vivante ? L’écrivain se sent bien seul et faible devant ce monde immense et complexe. Tant d’êtres qui vivent, et un seul être pour les évoquer ! Tant de voix qui parlent et une seule voix pour les exprimer ! Tant de paysages animés et tant de régions solitaires, tant de villes, tant de maisons, tant de monuments, de châteaux, d’églises, de chapelles, de calvaires, de croix aux carrefours ! Tant de champs, de landes, de forêts, de bois, d’arbres ! Tant de rochers, tant de brume et tant de pluie ! Tant de couleurs dans l’espace, sur la terre et sur les eaux ! Et, pour toute cette vie permanente et changeante, compacte et multipliée, une seule mémoire qui essaye de se souvenir !… »

Louable inquiétude. Mais M. Geffroy peut se rassurer : sa mémoire l’a fidèlement servi et, à quelques détails près, son livre est aussi complet qu’il pouvait l’être. Il y a dans la Bretagne plusieurs Bretagnes, et l’auteur n’a point manqué de s’en apercevoir. Encore n’était-il point très aisé de caractériser et différencier avec précision l’une de l’autre ces diverses Bretagnes. Les pages où M. Geffroy s’y est essayé resteront comme un modèle de fine et pénétrante psychologie : la gaieté un peu narquoise « qui anime les gens de Tréguier, de Lannion, de Morlaix », la « vivacité chaleureuse » des gens des pays de Quimper et de Quimperlé, « la sauvagerie, la gravité, la mélancolie » des populations du Morbihan et de la Cornouaille des monts, « l’intelligence avisée, le souci des affaires gaillardement por-