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de la fin du XVe siècle, à qui l’on doit, si je ne m’abuse, la première description en langue vulgaire du pays « jadis appelé Armorique, situé ès extrémités d’Occident, vers la fin de l’Europe, et de la forme d’un fer à cheval dont la rotondité est circule à soleil, resconsant de la mer Océane et de gros et dangereux rochiers qui sont chascun tout couver et deprouvey de la mer ».

Bouchard, sans doute, ne visait qu’à meubler son lecteur des notions topographiques les plus essentielles : toujours est-il que sa description n’a pas trop vieilli et pourrait s’appliquer encore, dans ses traits généraux, à la Bretagne d’aujourd’hui. Les « landes et montaignes » dont parle le maître des requêtes du duc François II et où « engraisse force bestiail », nous les retrouverons à quatre siècles de distance chez M. Geffroy, et aussi les « forests peuplées de venaison » et les « lieux mynières d’argent, plomb et fer » et d’autres, « devers occident », où « on faict le sel par singulière industrie ; car, à ce faire, n’y a que l’eau de la mer et la vertu du soleil ». Mais Bouchard parlait de ces merveilles en robin ; la couleur locale, le sentiment de la nature sont des acquisitions récentes et dont ne s’embarrassait point encore le cerveau des gens du XVe siècle. M. Geffroy appartient au contraire à une génération « pour qui le monde extérieur existe », suivant la forte expression des Goncourt. Il sait voir et il excelle à rendre ce qu’il a vu. Et il est bien certain aussi qu’il y a des choses qu’il voit comme tout le monde et comme elles sont, et d’autres qu’il voit comme les pouvait voir seul M. Geffroy et comme