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Sans doute la finesse critique de Renan, cette prudence sulpicienne qu’il apportait dans l’analyse des textes ne pouvaient être complètement dupes de l’artificielle et composite beauté du Barzaz. L’abondance, la précision des noms historiques dans ce recueil de chants populaires lui inspiraient des inquiétudes et il se demandait « si l’oreille de M. de La Villemarqué ne s’était pas prêtée complaisamment à entendre certains de ces noms ». Il aurait voulu être assuré aussi que les textes du Barzaz avaient été publiés tels qu’ils avaient été recueillis. « L’essentiel, écrivait-il, est qu’on soit sûr qu’entre le lecteur et le peuple aucune prétention littéraire ne s’est interposée. »

Par cette petite phrase, négligemment jetée dans son article, l’auteur de la Poésie des races celtiques posait les bases de la critique des traditions populaires, traçait au folk-lore ses méthodes et sa voie. Mais, enfin, c’est en 1868 et 1872 seulement que deux obscurs collecteurs de traditions bretonnes, Le Men et Luzel, reprenant en sous-œuvre l’enquête de La Villemarqué, produisirent pour la première fois les textes authentiques dont la comparaison devait permettre aux d’Arbois de Jubainville, aux Gaidoz, aux Havet, aux Rambaud, aux Hémon, aux Loth, de prononcer le verdict impitoyable qui, en établissant l’apocryphité du Barzaz, dépouillait la Bretagne de son plus beau fleuron poétique. L’anticléricalisme ne fut pour rien