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teur, je l’invitai à me servir de guide et, après un sommaire déjeuner, nous allions partir de compagnie pour Saint-Idunet, quand Marguerite, inquiète de l’absence de son mari, survint à l’improviste. Elle s’excusa du négligé de sa toilette ; mais j’avais mieux à faire qu’à détailler ses loques de mendiante : c’était elle surtout qui m’intéressait, sa physionomie aiguisée et fureteuse de campagnol en maraude, son alacrité légendaire, ses yeux restés si vifs dans une tête qui n’était plus qu’un paquet de rides et de tendons. Un de ses bras, paralysé, pendait ; l’autre, atrophié, lui rendait encore quelques services. Elle était née ainsi, m’expliqua-t-elle en chemin, et cette double infirmité avait décidé de sa vocation : pour vivre, faute d’autre métier à exercer, elle s’était faite pèlerine par procuration, ce qui veut dire qu’elle entreprenait des pèlerinages pour le compte d’autrui. Quand les pèlerinages chômaient, elle décrochait son bissac et « cherchait la charité ». L’hiver elle filait au rouet. Son mari, infirme comme elle, se louait dans les fermes voisines. Mais il gagnait peu : dix ou quinze sols par jour. Et, là-dessus, il fallait payer le loyer du « ménage » : treize écus par an, trente-neuf francs, — une vraie somme, monsieur !

Tout en bavardant, nous avions atteint le Guindy. Près de là, dans la ramée, est blotti le hameau de Saint-Idunet. Le vieux cénobite cambrien y possède une chapelle neuve, moins curieuse assurément que son lit en plein vent et ses trois sources miraculeuses, objet d’un pèlerinage assez florissant. Pluzunet se souvient qu’Idunet est son patron et qu’il lui a donné