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gistrait les paroles et les airs. Ainsi se façonna, sans aucune aide extérieure (Marguerite ne sait ni lire ni écrire), ce cerveau d’une si prodigieuse plasticité et qui est comme une encyclopédie vivante des traditions de la vieille terre d’Armor…

Je venais pour la première fois à Pluzunet et, pour dénicher Marguerite, je n’avais que les indications assez vagues fournies par la note de Luzel, note vieille de plus de trente ans. Par bonheur, tout le monde ici connaît Marguerite, — Marc’harit Fulup, comme on l’appelle à la bretonne. Elle est une sorte de gloire locale, et les yeux s’illuminent, les oreilles se tendent dès que je prononce son nom.

— Par exemple, me dit-on à la première halte où je m’informe d’elle, il y a beau temps que Marguerite n’habite plus au Rigorio, près de Pont-ann-C’hlan ; vous serez obligé de pousser jusqu’au hameau de Sant-Ienet (Saint-Idunet). Mais, comme c’est fête aujourd’hui, peut-être la rencontrerez-vous à Pluzunet même, à la sortie de la grand’messe.

Marguerite n’était pas à la grand’messe. Très complaisamment, l’aubergiste chez qui j’étais descendu avait fait surveiller les abords de l’église. Au lieu de celle que j’attendais, je vis venir un petit homme d’allure timide et légèrement claudicant, qui me dit :

— Je suis René Salaün, le mari de Marguerite. Si vous voulez, j’irai la prévenir…

J’ignorais que Marguerite fût mariée ; mais je me souvins qu’en Bretagne la femme, même épouse et mère, continue à garder son nom de jeune fille. Profitant des bonnes dispositions de mon interlocu-