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empêche pas de mesurer avec exactitude le mirage [1] ». Les Celtes, eux, ne « mesurent » jamais le mirage. Simple question de latitude peut-être. Comme l’auteur de Tartarin attribuait à l’influence solaire les déformations de la pensée méridionale, on pourrait dire, sur le mode badin, que la pluie et la brume sont les éléments constitutifs du mirage celtique. Mais la pluie et la brume n’offrent point les mêmes facilités de vérification que le soleil et ne sauraient servir comme lui à contrôler l’illusion qu’elles ont créée. Elles l’entretiendraient plutôt. Et c’est ainsi qu’on n’eût point ôté de la tête d’un Chateaubriand qu’il avait été reçu en Amérique par Washington ; de celle d’un Le Brigant que Louis XVI, conquis à son système de celtisme universel, lui avait offert une pension de huit mille écus et la maison des Célestins ; de celle d’un Le Gonidec qu’il avait été condamné à mort par un tribunal révolutionnaire de Brest, miraculeusement soustrait à l’échafaud par des inconnus, enrôlé dans la chouannerie, grièvement blessé et promu lieutenant-colonel sur le champ de bataille[2] ; de celle d’un

  1. Le spirituel auteur de Visages ajoute : « L’illusion est une force qu’ils emploient avec adresse comme les ingénieurs utilisent en énergie motrice les beautés inutiles de la nature. Ils n’en sont jamais dupes. »
  2. « Depuis 1842, lit-on dans la Biographie bretonne de Levol, des personnes en position d’être bien informées nous avaient assuré que tous les faits ci-dessus n’avaient jamais eu d’existence que dans l’imagination de Le Gonidec lequel, à force de les répéter dans les dernières années de sa vie, se serait habitué, de la meilleure foi du monde, à les regarder comme vrais ».