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druides qui s’étaient tenus en prières sur les gradins de la montagne se rendaient processionnellement au chevet du dormeur. Celui-ci se dressait alors, et un chant divin s’exhalait de ses lèvres : l’Awen, le vent sacré, avait passé sur lui. Mais il arrivait parfois que son cerveau n’avait pu résister à l’épreuve de cette nuit terrible, pleine de gémissements et de râles et durant laquelle un brouillard de sang s’étendait sur ses yeux : la pierre était vide au matin, et le dormeur, frappé de folie, s’était évadé dans le mystère nocturne. Les druides purifiaient la pierre, faisaient trois libations et allumaient le bûcher de cèdre parfumé. Le « noble » mont fumait comme un grand encensoir ; les bardes accordaient leur telyn ; l’hymne à la lumière montait vers les prémices du jour et, quand Heol, le dieu soleil des anciens Celtes, issant de son tabernacle de nuées, posait enfin ses pieds d’or sur la crête du Snowdon, il n’y avait plus trace du lâche cœur qui s’était couché un moment sur la pierre de l’Épreuve et dont l’Awen s’était tout de suite détourné[1].

  1. La même légende existe pour le Cader-Idris. Le Snowdon, en gallois, s’appelle Y Wyddru, c’est-à-dire le tumulus funéraire.