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chaudes et avenantes, qui tranchent si vivement sur la raideur anglo-saxonne. Mais ce qui nous ravit plus qu’aucune chose, ce fut quand nous aperçûmes, dans le grand vestibule du château, une harpiste en costume national qui, pour mieux symboliser la fraternité celtique, avait choisi dans son répertoire l’air de marche des hommes de Harlech, lequel se retrouve en Bretagne sous le nom de Seziz Gwengamp (le Siège de Guingamp).

Notre unique sonneur de biniou le soufflait à joues pleines, pour l’entrée dans Cardiff, ce vieil air qui rappelle un des plus dramatiques épisodes de l’histoire des deux peuples. C’était à Saint-Cast, en Bretagne, il y a quelque cent ans. Une compagnie de fusiliers gallois appartenant à l’armée anglaise marchait contre un des détachements du duc d’Aiguillon. Tout-à-coup les Gallois s’arrêtent : sur les lèvres des hommes qu’ils s’apprêtaient à combattre, un bourdonnement confus s’est éveillé. Les Gallois tendent l’oreille : dans la rumeur qui grossit, enfle, s’approche, ils ont reconnu la Marche des Hommes de Harlech. L’officier qui commande les recrues galloises est un Anglais. Il interpelle rudement ses soldats, leur demande s’ils ont peur ou s’ils ne veulent plus obéir.

— Non, disent ils, mais, à l’air que chantent ces gens, nous avons reconnu des hommes de notre race. Nous aussi nous sommes Bretons.

Lady Herbert ignorait moins que quiconque ce légendaire épisode des dernières guerres de la monarchie française et il y avait dans le tour délicat qu’elle avait pris pour l’évoquer, comme aussi dans le choix