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Par leur structure même, ces îles bretonnes sont une surprise pour les yeux. Il en est, comme Groix, qui affectent la forme d’un socle gigantesque et il en est, comme Sein, qu’on prendrait pour des radeaux ; certaines, comme Rouzic, dans l’archipel des Sept-Îles, simulent des volcans éteints et sont peut-être d’anciens cratères de la mer cimmérienne. Bono, l’Île-au-Moine, dans ce même archipel, ont l’air de Léviathans, de cétacés apocalyptiques. Cependant Bréhat, posée comme une corbeille à l’embouchure du Trieux, est un parterre flottant, le jardin des eaux bretonnes. Mais à Belle-Isle, sur la Côte-Sauvage, d’étranges architectures révèlent dans l’Océan un artiste près duquel pâlissent tous les Michel-Ange et les Piranèse ; on vérifie là plus qu’en aucun lieu du monde la justesse de cette observation d’Hugo qu’une folie est mêlée à presque tous les grands paysages marins. Aux abords du Stiff, Ouessant trouble, comme Belle-Isle, par son architecture de cauchemar. Rien ne ressemble moins à Er, tordue comme une aiguillette, que Tudy, digitée comme une algue, ou Arz, dentelée comme une astérie. Et voici les rudes rochers en biseau de la baie malouine, Cézembre, Harbourg, le Haumet, le Grand-Bé, cimetière d’une âme que son siècle n’était pas assez vaste pour contenir ; plus loin, vers l’ouest, Batz et ses sables ; Saint-Gildas et ses pins ; les Glénans et leur « chambre » ; l’Île-Grande, dont les carriers ont fait un caveau ; Avallon, où rôde le fantôme d’Artur ; les îles du Morbihan, aussi nombreuses, aussi diverses que les jours de l’année, solennisées par l’histoire et par la légende, dominées par la colossale