Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je cherchai la personne qui répondait au nom de Jack et j’aperçus un grand terre-neuve à longs poils, qui, une tire-lire en cuivre pendue au cou, fixait sur moi ses beaux yeux veloutés.

— Je vous présente master Jack, me dit M. Trounce, lequel s’amusait de mon étonnement. Master Jack est un doux obstiné ; il ne vous lâchera pas que vous n’ayez glissé un penny au moins dans sa tire-lire.

— Et que fera-t-il de mon penny ? demandai-je.

— Ce qu’il fait de tout l’argent qu’on lui donne, répondit M. Trounce. Fidèlement, scrupuleusement, il le portera ce soir au trésorier du Widows and Orphans Fund. Vous n’êtes jamais allé à Londres ? Alors vous n’avez pas connu Léo, le terre-neuve de l’hôpital des femmes. Léo vient de mourir. C’est dommage : il n’y avait pas dans la Cité de figure plus populaire. Il allait par les rues, dignement, à petits pas, secouant comme une cloche son tonnelet de cuivre, par l’ouverture duquel les passants glissaient des pièces de billon et d’argent. S. A. R. la princesse de Galles ne manquait jamais de faire arrêter sa voiture lorsque la présence de Léo lui était signalée. Elle le caressait et lui remettait son aumône, que Léo recevait avec les marques de la plus vive reconnaissance. En un mois, il recueillit 1,000 livres sterling qu’il versa au personnel de l’hôpital contre un reçu en due forme. Notre pauvre Jack n’a point de ces prouesses à son actif. Mais Cardiff n’est point Londres. Jack, tous les soirs, n’en rapporte pas moins à l’hospice une cagnotte assez rondelette. Seul la plupart du temps, il accomplit par les rues un itinéraire déterminé, s’arrêtant