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tristesse, avec ses contreforts saillants comme des vertèbres, la vieille abbaye, telle qu’elle nous était parvenue au commencement du siècle, ressemblait au squelette de quelque monstrueux animal préhistorique.

On peut juger par là des difficultés de toutes sortes qui hérissaient sa restauration. Appel fut fait au public ; la restauration du monument lui fut présentée comme une entreprise nationale, intéressant l’amour-propre national et, dès lors, Taffy n’hésita plus. Il ne fallait pas moins de 36, 000 livres sterling, soit près d’un million, pour reconstituer le gros œuvre : les 36, 000 livres sterling furent tout de suite trouvées. Et ce n’est peut-être point encore ce qu’il faut admirer le plus, mais que la restauration du monument ait été exécutée avec un goût si parfait et si sûr. Il faut l’œil d’un archéologue, maintenant qu’une patine uniforme a revêtu tout l’édifice, pour distinguer les parties neuves des parties anciennes.

Il n’y a qu’une trentaine d’années cependant que la restauration est achevée. L’abbaye actuelle est un heureux mélange de roman et de gothique. Dans le premier de ces styles, j’ai particulièrement admiré le grand porche cintré du côté sud, l’emboîtement de ses cinq arcatures dentelées et les massifs faisceaux de colonnes qui les portent. Le chœur, qui est du même style, date de 1118. Il n’est pas jusqu’à la décoration intérieure de l’église qu’il ne faille louer pour sa juste appropriation au milieu ; plus d’une cathédrale gothique jalouserait ces verrières aux tons délicieusement fanés, ces orgues monumentales, les délicates ner-