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son ravin de silence. Des tombes l’entouraient, mais en petit nombre et bien ordonnées ; quelques-unes remontaient à une haute antiquité et la plupart, dressées verticalement, affectaient cette forme de cippes ou « pierres levées » qui donne aux champs de repos du pays de Galles l’aspect de cairns désaffectés.

J’ai lu, sur ces cimetières gallois, les réflexions les plus contradictoires. Touchant exemple de la façon dont les voyageurs s’accordent ! Pour M. Le Breton, rien n’est plus triste que de mourir dans le pays de Galles et d’y dormir son dernier sommeil. Lorsqu’une personne vient d’expirer, on la retire tout de suite de son lit ; on pose son corps à terre sur un matelas.

— Pourquoi, demandait un jour M. Le Breton à une Galloise, ne laissez vous pas le mort dans son lit ?

— Oh ! lui répondit-elle d’une air offusqué, ce ne serait pas convenable.

M. Le Breton voit toutes sortes de choses dans cette réponse et, pour commencer, l’indice du peu de place que tiennent les morts dans le souvenir des Gallois. S’il avait rapproché la coutume galloise de la coutume analogue qui existe en Bretagne, il se fût rendu compte que ce qu’il prenait pour un manquement aux convenances n’était qu’un legs du passé, une permanence de la tradition. Chez tous les Celtes, il est d’usage d’ôter le mort de son lit et de le coucher soit sur la table, soit sur des tréteaux, dans une chapelle ardente décorée de fleurs et d’images de piété. Le rigorisme protestant a fait disparaître en Galles les flambeaux, les images et les fleurs ; mais il n’a pas touché à la coutume principale et foncière.