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mais d’un monde sordide, loqueteux, et qui fait le plus triste contraste avec la population des autres quartiers. Il n’y a point que dans les villes de la Grande-Bretagne où l’on observe cette juxtaposition des trois sortes de quartiers — l’aristocratique, le marchand et l’ouvrier ; — mais ce qui est proprement anglais, c’est que la population des uns ne se mêle pas ou très peu à la population des autres : tous trois sont comme des villes différentes qui ne communiquent pas entre elles et qui vivent chacune de sa vie propre. Les petits vendeurs d’allumettes-bougies qui nous assaillaient tout à l’heure, dans le quartier des docks, souples comme des singes et, sur leurs pieds nus, profitant d’une distraction des conducteurs pour escalader l’impériale des omnibus et nous glisser leur marchandise entre deux bourrades, font retraite d’eux-mêmes, dès que nous entrons dans le quartier du haut commerce. Ils sont remplacés par de coquets petits gentlemen en complet gris, grand col et manchettes d’une blancheur éclatante, qui vendent des journaux, distribuent des prospectus, cirent les chaussures et pratiquent le vol à l’esbroufe avec une égale supériorité.

Un linge si soigné ne laissait pas de nous surprendre ; mais on nous dit qu’il ne fallait point trop se fier aux apparences ; que, sous ces cols et ces jaquettes boutonnées, il n’y avait souvent pas de chemise ; qu’au surplus les cols étaient en papier et sortaient des fabriques de New York et de Boston, qui en débitent jusqu’à 50 millions par an, livrés à des prix dérisoires de bon marché !

Ces rues du haut commerce, Queen-Street, Adam--