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plus efficace qu’elle se laisse ignorer, qu’elle s’ignore peut-être elle-même. Barrès[1] raconte qu’un étranger, visitant, avec M. de Thézac, les Abris du Finistère, se scandalisait qu’aucun pêcheur ne soulevât son béret sur le passage de l’excellent homme. « Émoi naïf, dit-il, que nous eussions tout d’abord partagé et bien à tort ! Comment ne pas voir qu’ici l’effacement volontaire de l’apôtre était nécessaire au succès de l’apostolat ? »

Il n’est pas Breton, pourtant ; il n’est même pas né sur la côte. Cette biographie qu’il s’obstinait à ne pas me fournir, j’ai pu, morceau par morceau, la reconstruire ; j’ai su ainsi qu’il était né à Orléans en 1862, qu’une myopie progressive interrompit de bonne heure ses études, qu’anémié, de constitution faible, il dut aller chercher la guérison sur les dunes de la Charente-Inférieure où, adolescent, il se prit d’une subite passion pour la mer. À quinze ans, sur son canot à voiles, comme le héros de Jules Verne, il se lançait à travers les terribles coureaux de Saintonge. Les Saintongeois, qui n’en croyaient pas leurs yeux, ne voulaient point admettre que ce fût un petit Français qui poussât si loin l’audace et ils l’avaient surnommé le « capitaine américain ». En 1888, il avait fait deux fois la traversée d’Arcachon au Havre. Il vivait de la vie des pêcheurs, se pénétrait de leurs besoins. Et déjà il ne se

  1. Rapport sur les Prix de Vertu (1907). On sait que l’Académie française a décerné l’an passé un prix Montyon de 6000 francs à M. de Thézac qui en a consacré aussitôt le montant à l’acquisition d’un nouvel Abri.