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« J’étais déjà solide, — me contait-il de cette stridente voix d’acier, forgée par les embruns, qui fait trembler les vitres dans leurs châssis, — et il me prenait des démangeaisons dans les poings et dans les jambes dont j’espérais bien me guérir en « tapant » sur les Prussiens. J’obtins de mon père qu’il me laissât partir pour Brest. Je ne doutais pas qu’on ne me reçût tout de suite dans les cols-bleus et qu’on ne m’expédiât dare dare au fort du Mont-Valérien où la nécessité de ma présence devait se faire impérieusement sentir. Mais le règlement est inflexible : on me reçut bien dans la flotte ; seulement c’est à l’école des mousses, sur l’Inflexible précisément, qu’on m’envoya. J’y restai trois années pleines, puis je passai novice à bord du cuirassé Océan. Engagé comme fusilier marin, je fis campagne dans les mers du Sud et en revins second maître fourrier. J’étais alors sur la Magicienne. Chaque soir, notre quart fini, quand le temps était beau, nous nous réunissions sur le gaillard d’avant, mes camarades de bordée et moi.

— « Chante donc, Robin, me disaient-ils, toi qui as une si belle voix…

« Et je chantais sans plus de façon. Mon auditoire n’était pas difficile. Tout lui était bon : romances, chansonnettes comiques, monologues, bribes d’air attrapées un peu partout, à l’Alcazar de Brest, aux Variétés de Toulon, au Casino de Cherbourg. Je tenais aussi les premiers emplois dans des pièces de La-