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C’est un rêve d’argent qui bat le pied des roches ;
D’angéliques parfums s’élèvent du ravin ;
El, comme un frais écho du royaume divin.
Dans l’azur infini passe le chant des cloches.

Ô mon fils, c’est ici la terre de beauté,
C’est le pays d’amour où le soleil se couche.
Si quelque chant léger s’envole de ta bouche,
Qu’il soit fait d’innocence et de simplicité !


« Ainsi soit-il ! » répondit dévotement notre ami. Et ce ne fut point sur ses lèvres une vaine formule de politesse. Vicaire avait reçu le baptême breton ; saint Yves lui avait imposé les mains : il eut désormais deux petites patries, en plus de la grande, sa Bresse et la Bretagne. Il avait chanté la première dans les Émaux bressans ; il chanta, la seconde dans Au Pays des Ajoncs.

Vous savez que notre ami avait planté sa tente à La Clarté, sur ce promontoire de la Manche bretonne d’où l’œil embrasse le plus merveilleux panorama qui soit peut-être au monde : le chaos marin du Skevel, les fiords des Traoïero, Ploumanac’h, Meur-Ruz, Trégastel, les Sept-Îles, pays de silence et d’effroi, mais fleuri d’une prodigieuse végétation lithique dont Vicaire a su faire passer dans ses poèmes les tonalités tour à tour grises jusqu’à l’effacement et somptueuses jusqu’à la violence. C’est de la contemplation assidue de ce paysage tourmenté que sont sorties tant de belles pièces, comme Keris, le chef-d’œuvre peut-être de Gabriel Vicaire et qui témoigne combien, chez ce poète d’une verve si gauloise, il