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Toussaint, faille tour de l’édicule en chantant le gwerz pahétique :

Deomp dar garnel, Kristenien, guelomp ar relegou
Euz hon breudeur, c’hoarezet, hon tadou, hon mammou…

« Allons au charnier, chrétiens. Contemplons les reliques — de nos frères, sœurs, pères, mères… — Ici plus de noblesse, de richesse ni de beauté. — La mort et la terre ont tout confondu. — Eh bien, en ce lamentable état où vous voyez réduits les défunts, — leur silence parle plus haut que l’éloquence des vivants… »

Poignante mélopée, mais dont on n’éprouvera toute la puissance qu’en lui restituant son rude accent originel et, sous la blême clarté d’un après-midi de novembre, le farouche décor de ces charniers bretons pleins à déborder de débris humains !

Dans ces débris, en certaines localités, un choix est fait par les membres de la famille qui ont assisté aux exhumations : on ne verse à l’ossuaire que les ossement considérés comme « inférieurs » ; les crânes ou « chefs » sont mis à part et enfermés dans de petites châsses en bois blanc, moucheté de larmes noires, qu’on suspend aux murs ou qu’on aligne sur l’appui des fenêtres de l’ossuaire. Une ouverture en forme de cœur, découpée dans le ballant de la boîte, permet d’apercevoir le crâne du défunt, reconnaissable d’ailleurs à l’inscription du fronton : « Ci gît le chef de… (date de la naissance et de la mort). Requiescat in pace. Amen. »

Ploubazlanec, le pays de Pêcheurs d’Islande, pos-