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des ossuaires ont gardé en Bretagne leur destination primitive, et l’usage est encore qu’on y dépose les ossements des défunts. J’ai expliqué ailleurs[1] d’où venait la persistance de cet usage. Resserrés entre l’église et les bâtiments qui l’entourent, les petits cimetières bretons ne peuvent contenir qu’un nombre infime de caveaux. Il ne s’y fait point, ou rarement, de concessions perpétuelles, et ainsi, tous les cinq ans, il faut exhumer les anciens trépassés et donner leur place aux nouveaux. La dalle funéraire, en schiste ardoisé, qui recouvrait leur sépulture, est rendue à la famille et pieusement conservée par elle dans un endroit apparent du logis : on la pose quelquefois devant l’âtre, qui est resté chez les Bretons une manière d’autel domestique, ou à l’entrée de la maison, tout de suite après le seuil, pour que la première et la dernière pensée des hôtes soit orientée vers leur fin[2]. Les ossements mêmes des exhumés, les « reliques » (relegou), comme on les appelle par une pieuse assimilation aux ossements des martyrs, ne sont point enfouis immédiatement dans la fosse commune et reçoivent avant d’y être versés les honneurs de l’ossuaire[3]. La paroisse les y visite chaque dimanche ; une procession solennelle, le soir de la

  1. Voir notamment, dans Sur la Côte, le chapitre : Trois vigiles des morts.
  2. Ainsi au convenant Pierre Bivic à Kroaz-ar-Varen (Perros-Guirec).
  3. C’est ce qui explique qu’en certaines localités populeuses, comme Roscoff et Saint-Jean-du-Doigt, l’ossuaire ait été dédoublé.