Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.

diskuiz ou l’auge du délassement : si longue soit la course que les pèlerins viennent de fournir et si las soient-ils eux-mêmes de la course, il suffit qu’ils s’étendent un moment dans cette auge pour se relever frais et dispos. À Saint-Nicolas-d’Arzon une vertu particulière s’attache à certains édicules de pierre sèche que les femmes des marins construisent près de l’église, l’entrée du côté du vent, pour obtenir une bonne traversée à leurs maris. Constamment le culte des grandes forces naturelles réapparaît ainsi sous les pratiques les plus humbles. Les fontaines, les arbres, les pierres, le feu ont, dans ce peuple, des dévots inconscients et d’autant plus fidèles. Il y a plus d’un siècle que la chapelle de Saint-Laurent-du-Pouldour est frappée d’interdit, ce qui n’empêche pas les pèlerins d’affluer autour de ce sanctuaire dans la nuit du 9 au 10 août, de ramper vers le four symbolique pratiqué sous l’autel, de se doucher sous l’ajutoir et de lutter sur la garenne à la lueur des cierges consacrés. Je ne sais pas si l’on célèbre encore à la chapelle de Saint-Gwénolé[1] la messe du tu-pé-zu (pile ou face, vie ou mort), ni si l’officiant fait comme autrefois tourner à l’élévation la roue de fortune dont le point d’arrêt marque la volonté du Destin. Mais à Trédarzec, près de Tréguier, saint Yves-de-Vérité n’a jamais été autant invoqué qu’à cette heure. Journellement on lui demande la mort d’un ennemi ; on l’adjure par les

  1. La même cérémonie se pratiquait à Saint-Languy, sur nommé sant Tu-pe-zu (litt. d’un côté ou de l’autre) et invoqué dans la même intention, mais pour les petits enfants.