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inconnus dans le reste de la chrétienté et qui eussent suffi, en dehors d’elle, pour constituer une église militante et une église triomphante ? M. Louis de Carné a voulu voir dans les plus anciens de vieux druides désabusés ou des disciples du druidisme nourris dans les collèges de Rhuys, de Calonnèse, d’Uxantis (la moderne Ouessant) et qui introduisirent dans le christianisme les formules mystérieuses de leur ancienne religion. Il explique ainsi l’infinie variété des œuvres théurgiques et thaumaturgiques que les hagiographes bretons prêtent avec tant de complaisance aux premiers apôtres de la foi chrétienne en Bretagne.

Hypothèse fort contestable. Ce n’est point chez ces saints apôtres, mais dans la conscience populaire que le naturalisme celtique avait poussé des racines profondes. C’est elle dont le sourd travail d’élaboration transforma peu à peu les doctrines et les œuvres et les pénétra de merveilleux. Bien avant les grands travaux de l’érudition moderne et quand nos origines étaient encore sous le boisseau, il suffisait de s’en rapporter aux Bénédictins et aux Bollandistes, voire au naïf, mais sincère Albert Le Grand, pour s’apercevoir que les trois quarts de ces saints Bretons nous venaient en droit fil de la Cornouaille anglaise, de la Cambrie ou de l’Irlande. M. de Carné ne le nie point, d’ailleurs. Il se souvient du mot d’Albert Le Grand : « Ce sont les moines irois qui ont versé l’eau du baptême sur la tête des Armoricains » ; il rappelle les liens mystiques qui unissaient autrefois la Bretagne et l’Irlande et qui font qu’aujourd’hui encore il y a dans l’expression morale des deux peuples je ne sais quelle res-