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comme le Gwerz ar Présidant Carnot de Vincent Coat, qu’on y apprend les gros événements du jour. Une autre catégorie de mendiants qui ne manque point de pittoresque, mais qui tend à faire retraite d’année en année, est celle des « pèlerins par procuration[1] ». Rangés le long du cimetière, on les entendait jadis qui glapissaient sur tous les tons :

— Çà ! chrétiens, qui de vous a un tour d’église à faire nu-pied ?

— Qui veut qu’on fasse pour lui un tour d’église sur les genoux ?

Nu pied, le tour d’église coûtait généralement un blanc (un sou) ; sur les genoux un réal (cinq sous). Pour le même prix, à Saint-Laurent-du-Pouldour, on pouvait prendre un bain par procuration : des mendiants spéciaux se tenaient en permanence devant la piscine et y plongeaient à commandement pour le compte des pèlerins en répétant trois fois de suite la formule sacramentelle : Sant Loranh zon pardonno hag a lamo diganéomp ar boan-izili[2]. Et les clients ne chômaient point autour de ces étranges marchands de rémissions. Non par tiédeur religieuse chez l’acheteur, pour se débarrasser d’une corvée, mais parce que le marché, pour si peu moral qu’il nous semble, se relevait ici d’une charité.

  1. Marguerite Philippe, qu’on a vue dans les différentes fêtes de l’Union régionaliste bretonne et de l’inépuisable mémoire de qui Luzel et Vallée ont tiré tant de chansons et de contes, est de son état pèlerine par procuration.
  2. « Saint-Laurent nous pardonne et nous guérisse des rhumatismes ! »