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ensuite dans l’église et déposent leurs offrandes à l’endroit le plus apparent de la nef. Heureux s’ils peuvent trouver eux-mêmes un coin de cette nef où passer la nuit en égrenant leurs chapelets ! Faute de mieux, ils se couleront sous le porche ou dans le cimetière. Les enfants reposent aux bras de leurs mères et les mères elles-mêmes, parfois, sous la coiffe rabaissée, inclinent leurs têtes lasses. Les maisons particulières et les auberges ne suffiraient pas, d’ail-

    raconte Benjamin Jollivet, tout Guingamp fut témoin d’un pèlerinage accompli dans les conditions que voici : une jeune fille de Goudelin ou des environs, qui venait de perdre sa maîtresse, raconte un jour qu’elle a vu celle-ci lui apparaître, la suppliant, au nom des bons procédés qu’elle avait toujours eus pour elle, d’aller à son intention en pèlerinage à Bulat. Mais elle imposait une condition presque impossible à remplir : il fallait que la jeune fille fît tout le trajet (une trentaine de kilomètres) sur les genoux nus. La promesse fut donnée et la malheureuse servante se mit en route. C’était par un beau jour d’été. Elle arriva à l’entrée de Guingamp vers les deux heures de l’après-midi et mit une heure et demie pour traverser la ville, teignant le pavé du sang de ses genoux déchirés. Des larmes abondantes coulaient sur son visage ; tous ses membres brisés par la fatigue étaient inondés de sueur ; ses forces semblaient prêtes à l’abandonner et pourtant elle n’était encore qu’au tiers de sa course. La population de Guingamp tout entière se pressa ce jour-là autour de cette malheureuse ; les uns lui offrirent de l’argent, d’autres des spiritueux et des fortifiants ; d’autres enfin essayèrent de lui faire entendre que son vœu était insensé, que sa vision était l’effet de son imagination frappée. Elle refusa les uns et ne répondit point aux autres ; mais elle continua son terrible voyage et toucha le but, exténuée de fatigue et presque mourante. » (Les Côtes-du-Nord, 1856)