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cations et de rencontres surnaturelles. Dans l’alanguissement des premières ombres, sur cette terre baignée de tristesse, il se lève des talus et des landes une impalpable poussière d’âmes, les « anaon », les mânes ; errants du purgatoire celtique. Leur murmure berce la marche titubante des pèlerins ; ils l’entendent dans le vent et dans le bruit des feuilles et, machinalement, leurs lèvres molles achèvent dans une éructation le de profundis interrompu. Cet idéalisme orgiaque n’est pas ce qui étonne le moins les étrangers qui assistent à un pardon. J’en ai vu qui détournaient la tête avec dégoût. Mais c’étaient les mêmes qui souriaient, sur le passage de la procession, à l’air de gravité recueillie dont ces pauvres gens accompagnaient la croix paroissiale. Comment auraient-ils pu distinguer entre l’ivresse ordinaire et l’espèce de trouble sacré qui fermente, à certaines heures, dans ces cerveaux en mal d’infini ?

Les moindres villages, en Bretagne, ont leurs pardons et non point les villages seulement, mais les chapelles, les oratoires et quelquefois jusqu’aux simples calvaires eux-mêmes. Bien entendu, ces pardons n’ont point tous la même importance. L’affluence des pèlerins y est plus ou moins considérable. En fait, les grands pardons de Bretagne sont au nombre de dix ou douze pour les chrétiens des deux sexes : le Folgoat, Guingamp, La Palud, Sainte-Anne-d’Auray, la Clarté-Perros, Tréguier, Loc-Ronan, Moncontour, Rumengol, Saint-Jean-du-Doigt, etc., et de sept ou huit pour les animaux : Plougastel, Carnac, Saint-Éloi, Saint-Hervé, Saint-Gildas, etc. Le Braz ne