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rant encore dans la langue de Paris ; on le trouve dans Littré, pourtant, avec l’acception singulière qu’il revêt ici et qu’il avait déjà au temps de Dante : les pardons sont les fêtes de la Bretagne, et ces fêtes sont aussi anciennes que la race. Rien ne change en Bretagne. Il y a comme un sommeil magique sur les choses ; le temps les dérange à peine, et, comme elles, les âmes y ont je ne sais quoi d’immuable. De son portail de la cathédrale de Quimper, le vieux roi Grallon, s’il ouvrait par miracle ses yeux de pierre, reconnaîtrait son peuple dans les Bretons d’aujourd’hui.


I


Le caractère du « pardon », c’est qu’il est d’abord une fête religieuse[1]. On y vient par dévotion, pour se racheter d’un péché, quémander une grâce ou gagner des indulgences. La grand’messe, les vêpres, la procession, le salut et les visites au cimetière, prennent les trois-quarts de la journée ; le reste est pour l’eau-de-vie.

Mais l’ivresse même a quelque chose de grave et de religieux chez ces hommes ; elle prolonge leur rêve individuel et l’élargit jusqu’au symbole. Les soirs de pardon, en Bretagne, sont aussi les soirs d’évo-

  1. Les fêtes profanes ont un autre nom : pante, pluriel panteou, très peu employé d’ailleurs.