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Il n’en fut rien comme on sait. À la dernière heure le comité Odilon Barrot inventa la candidature Cormenin. On avait adroitement répandu le bruit dans les conseils de la gauche que Jules Simon ne serait jamais élu. D’autre part, l’extrême gauche, par une lettre signée de M. Gustave de Beaumont, le faisait passer ouvertement pour ministériel. On adressait aux électeurs cinq cents exemplaires du discours de M. Thiers sur les fonctionnaires publics, et l’on insinuait que M. Thiers n’était pas étranger à leur envoi. Enfin, la veille de l’élection, débarquait par la diligence un émissaire de Paris, chargé de voir en secret les personnes les plus influentes de Lannion et de les détacher de Jules Simon pour les donner à M. de Cormonin. Cet émissaire mystérieux n’était autre que Barthélemy-Saint-Hilaire, fort lié alors avec Victor Cousin. Et l’admirable, à en croire Jules Simon, est que c’était Cousin lui-même, dont il se croyait sûr et qui lui avait écrit que sa nomination honorerait l’Université, qui avait expédié Barthélemy-Saint-Hilaire à Lannion pour empêcher son suppléant d’être élu.

Cette perfide diversion eut l’effet le plus fâcheux. « Cormenin, dit Jules Simon, obtint tout juste trois voix qui furent prises sur mon troupeau[1] ; il m’en manqua deux pour être élu. » Il eût passé encore sans l’intervention inattendue d’un ecclésiastique qui se tenait en permanence devant la salle du scrutin. Il y avait à cette époque à Lannion, au milieu de la place Centre, un édifice bizarre, vermoulu, l’Auditoire,

  1. M. Léon Séché dit cinq voix.