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Pontrieux, ce Jean-Marie Le Jean, poète breton aussi, et qui avait pris pour nom bardique Eostik Koat-an-Noz, le Rossignolet du Bois-de-la-Nuit. Le Jean guida les premiers pas de l’enfant, lui donna quelques notions de prosodie. Elles lui profitèrent assez pour qu’en 1863, quand Gwennou n’avait encore que douze ans, Le Jean ne craignit pas d’envoyer à mon père une poésie de son jeune élève qu’il jugeait digne de l’impression. La pièce avait pour titre Ar goulmik gwenn, la Colombe blanche ; elle était d’une délicieuse fraîcheur d’inspiration. D’autres pièces prirent leur volée à sa suite qui s’éparpillèrent dans les gazettes de Lannion, de Guingamp, de Saint-Brieuc. Je ne crois pas que Gwennou les ait recueillies : il se destinait à la prêtrise ; il entra même au grand séminaire. Mais il en sortit presque aussitôt. Peut-être lui arriva-t-il comme au clerc de la chanson et qu’une lettre désespérée de sa « douce » le rappela brusquement dans le siècle.

Pa oan ô studian er ger a Landreger
Ez oa digaeset din lizer da vônt d’ar ger,
Da vônt d’ar ger buhan, ma karrien gwelet c’hoas
Ma dous, ma c’harantez, Genovefa Kerloas[1].

Ses attaches cléricales étaient rompues : Gwennou partit chercher fortune à Paris. Il n’y trouva, je pense, comme la plupart de ses malheureux compa-

  1. Cf. Luzel, Bepret Breizad : « Quand j’étais à étudier en la ville de Tréguier, — une lettre me fut envoyée pour m’appeler à la maison, — pour m’appeler promptement à la maison, si je voulais voir encore — ma douce, mon amour, Geneviève Kerloas. »