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ces reliquaires de la campagne bretonne, dont les murs sont tapissés comme ici d’inscriptions et de trophées mortuaires.

Le poète, qui voit mon étonnement, me donne tout de suite la clef de l’énigme : simple rédacteur à la Compagnie d’Orléans, il ne possède aucune fortune, et la charmante jeune femme qu’il a épousée subvient de son mieux aux besoins du ménage en tressant d’une main experte ces couronnes de deuil que, faute d’un magasin où les pouvoir exposer, elle suspend un peu partout aux murs de sa maison. L’explication me rassure et je ne tarde pas à me laisser gagner par la gaieté de mes hôtes. Car c’est une chose incontestable que, par ce clair dimanche d’été, il est gai comme un merle — comme un merle blanc — ce bon Gwennou haut de trois pouces, qui danse et sautille et ne tient pas en place plus d’une seconde. L’âge a neigé précocement sur ses cheveux. Mais il y a une jeunesse éternelle dans ses yeux nostalgiques et doux, ses yeux céruléens de Celte enfant... Compatriote de Minous, il est né à Lézardrieux le 14 mai 1851. Sa mère était une paysanne de Pleubian ; son père un modeste préposé des douanes qui savait tout juste écrire son nom et signer au rapport. Recueilli par charité, comme Quellien et tant d’autres, dans le vieux collège épiscopal que hante implacablement le grand souvenir de Renan, il s’initia aux lettres antiques sur les bancs du petit séminaire de Tréguier et tâcha d’en exprimer le miel dans les poésies bretonnes qu’il commençait à composer déjà. Un de ses parents l’avait mis en relations avec un instituteur de