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qu’on ne voyait point dans les salons de la Préfecture maritime et à qui son ménage donnait assez d’occupation par ailleurs. Gourlaouên l’avait épousée quand il était encore dans la maistrance. Elle le suivît à Lorient. Si, dans l’armée de terre, tous les soldats et jusqu’au moindre pousse-caillou sont censés avoir dans leur giberne le bâton de maréchal, dans la marine les officiers qui sortent du rang ne montent jamais plus haut qu’enseignes ou lieutenants[1]. Gourlaouên ne l’ignorait point. Il se satisfaisait, sa pension liquidée — et elle devait l’être sans tarder — d’habiter avec les siens, dans la banlieue de Lorient ou de Brest, la petite maison blanche aux contrevents verts, ambition de tous les retraités, et d’y finir ses jours en sarclant ses laitues et en binant ses plates-bandes… Il avait compté sans les Faces Jaunes.

Du moins Gourlaouên avait rempli une partie de sa destinée. Mais que dire du jeune Koun qui n’avait que vingt et un ans ? Sa vie à celui-là mérite d’être contée en détail et parce que j’en sais peu d’aussi émouvantes, d’aussi simplement et naïvement sublimes.

C’est un de ses compatriotes, M. Gustave Tual, qui s’en est fait l’historien. Joseph Koun — Jobic, comme l’appelaient ses camarades — était l’aîné d’une famille de neuf enfants. Tout petit, sa passion pour la mer lui faisait rechercher la compagnie des

  1. On cite une exception : l’amiral Pierre.