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pirant Marteville, prévenu à la hâte, mettait aussitôt en batterie le canon-revolver prêté par le Descartes et lançait vers le pont, au pas de charge, un détachement de fusiliers. Quelque diligence qu’elle fit, la colonne de secours ne put arriver à temps : les Chinois, à son approche, s’étaient débandés, dissous, volatilisés, selon leur tactique habituelle ; mais l’insaisissable adversaire avait laissé derrière lui deux cadavres mutilés dont il avait emporté les têtes. On reconnut les enseignes du Descartes.

Gourlaouën (Jean-Guillaume) n’avait pas passé par le Borda. Il appartenait à cette petite phalange d’officiers de fortune qui sont sensiblement moins nombreux dans la marine que dans l’armée de terre. Né le 7 juillet 1859, il avait conquis ses grades un par un, lentement, avec cette ténacité qui est un des traits de la race bretonne. Engagé comme matelot, il avait suppléé par un travail acharné, de tous les instants, aux lacunes de son éducation première.

Il s’était élevé ainsi jusqu’au grade d’enseigne. Ses chefs avaient pour lui une estime mêlée d’admiration ; ses collègues le respectaient ; ses hommes l’aimaient. Ils savaient, les uns et les autres, tout ce qu’à ce simple « col-bleu » il avait fallu de volonté, de persévérante abnégation, pour décrocher sa première épaulette. Gourlaouën allait être promu lieutenant de vaisseau ; il l’avait annoncé à sa femme, une digne et modeste personne de la petite bourgeoisie alréenne,