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collision pouvait éclater d’un moment à l’autre entre les deux troupes ; la mobile, surtout, était exaspérée. Le Flô paraît sous le péristyle de l’Hôtel de ville :

« C’est moi, dit-il en breton, Le Flô, de Lesneven. »

Et ce fut assez. Les fusils, déjà couchés en joue, se relevèrent d’un même mouvement. Le seul nom de Le Flô, ce nom qui sonnait à leurs oreilles bretonnes comme l’appel de korn-boud sur la lande, avait suffi pour opérer ce sortilège, apaiser cette tempête.

Quand on lui parlait de ce temps de sa vie, Le Flô rajeunissait soudainement. Son « cœur militaire et breton », suivant la belle expression d’Hugo qui l’aimait et le comprenait et dont il avait partagé l’exil à Jersey, son cœur battait plus vite et plus fort. Il était bien près de s’attendrir. Et c’était le même homme, pourtant, qui avait supporté sans plier, à soixante-dix ans, la perte d’un fils unique, jeune, brave, officier d’avenir mort sur cette terre d’Afrique déjà trempée du sang paternel.

« Dites à mon père, avait-il murmuré dans son dernier soupir, que je meurs en chrétien et en zouave… »

Lui-même dort maintenant, non loin de Lesneven, dans ce calme cimetière de Ploujean, fleuri de petites croix de bois blancs, à l’ombre de la vieille église ogivale, où il avait son banc réservé, comme un gentilhomme d’autrefois. Si quelque écho est venu jusqu’à lui des mésaventures qu’éprouva sa statue, assurez-