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des de Bretagne sont légion. Avec un peu de bonne volonté, je crois même qu’on pourrait élargir la confrérie jusqu’à y faire entrer tous les Bretons des deux sexes. « Bretagne est poésie », dit l’épigraphe de l’Hermine. Et il est bien vrai que la poésie éclôt spontanément sur les lèvres de ce peuple, comme de tous les peuples enfants, qu’elle ne lui est pas un langage d’exception, mais le verbe habituel de ses douleurs et de ses joies. Nombre de pièces les plus gracieuses ou les plus émouvantes recueillies par La Villemarqué, Le Men, Luzel, de Penguern, Milin, Quellien, Vallée, Francès, Le Lay, etc., sont l’œuvre de meuniers, de tisserands, de tailleurs et de filandières. Telle chanson satirique que j’ai vue naître un soir d’automne, sur la lande de Kergunteuil, fut l’improvisation collective d’une équipe d’essoreuses de lichen. Les plus imperceptibles tressaillements de l’âme bretonne se coordonnent en rythmes sous un archet intérieur : il n’y est besoin d’aucun effort, d’aucun artifice préparatoire. Le vers et la mélodie n’ont point fait divorce en Bretagne : ils s’épousent si intimement qu’on ne saurait les séparer sans leur porter le coup de grâce à tous deux[1]. Les bardes du genre de Yann-ar-

  1. M. Félix Hémon, dans sa belle étude sur les races vivaces, a bien finement indiqué le caractère de cette union. « La légende, dit-il, raconte que saint Hervé, patron aveugle des chanteurs mendiants de Bretagne, naquit d’Hyvarnion, jongleur à la cour de Childebert Ier, et d’une psalmiste nommée Rivanone ou la petite reine. Hyvarnion allait s’embarquer pour la Bretagne insulaire, son pays, lorsqu’il entendit une voix jeune qui chantait dans le bois voisin. Il chercha la chanteuse, qui cueil-