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seront point refusées, non plus que les rouleaux de vingt et dix sols ». Dans l’épilogue de Moïse, l’acteur revient, avec quelque insistance, sur ce point capital : « Honorables assistants, deux des acteurs vont maintenant descendre parmi vous, avec un plat chacun, et tous, j’en suis persuadé, vous ferez votre devoir et les verrez sans déplaisir. Car, comptant sur vos libéralités et pleins de confiance en votre générosité, nous espérons nous asseoir à une table bien servie et faire ce soir un peu de bonne chère ». Cette « bonne chère », cette frairie de la fin, c’était, en somme, tout le salaire des pauvres gens. L’intérêt, comme on le voit, entrait donc pour bien peu dans leur amour du théâtre. Ils exerçaient vraiment leur métier d’acteurs comme un ministère, avec un sérieux, une foi extraordinaires. Aussi avaient-ils sur le peuple une prise irrésistible. Pierre Le Moullec racontait que dans un repas de noce, au bourg de Ploulec’h, où on l’avait prié de « déclamer quelque chose », une jeune fille, en l’entendant réciter le terrible prologue du Jugement dernier, se « mit tout à coup à crier qu’elle se voyait environnée de flammes et que des diables hideux l’entraînaient en enfer ». Son faible cerveau n’avait pu résister à un tel ébranlement : elle était devenue folle. À Ploudaniel, un autre komediancher de talent, Kerambrun, dont la mémoire était prodigieuse, paria un jour de donner à lui seul une représentation du mystère sur le placitre de l’église. « À l’issue de la grand-messe, rapporte N. Quellien, il monta sur la borne où le garde-champêtre fait ses publications et il invita la foule à écouter l’aventure des Pevar mab