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Mais quels miracles ne s’accomplissent point pendant cette nuit sacrée ? Cette nuit-là, par exception, aucun animal ne dort, sauf le serpent. Le coq chante à toutes les heures, et certains animaux même — le bœuf et l’âne — vaticinent dans la langue de l’homme. C’est pourquoi il ne convient pas d’entrer dans les étables pendant la veillée de Noël. Nul ne doit chercher à pénétrer l’avenir ou bien il lui en cuira, comme à cet incrédule d’Arzur, dont Luzel nous a conté la légende, qui se cacha dans son étable pour surprendre le secret de ses aumailles. Or il arriva que le bœuf roux disait au bœuf noir :

— Que ferons-nous demain, mon frère ?

— Demain, répondit l’autre, nous porterons au cimetière de la paroisse le corps d’Arzur, le pauvre Arzur, le curieux et l’indiscret, l’incrédule et l’impie qui est en train de nous écouter.

— Nous porterons en terre le corps d’Azur, reprirent les aumailles en chœur.

Arzur s’évada de l’étable comme il put, la tête en feu, et alla rouler dans le premier fossé qui s’ouvrit sous ses pieds. Fut-ce la frayeur ou le froid de la nuit ? Il est malaisé de le dire ; mais le fait est qu’on le trouva mort au matin et que, le soir même, ses bœufs le conduisirent au cimetière.

Décidément cette nuit de Noël n’est qu’une succession de merveilles. C’est si bien la nuit sainte pour les Bretons qu’ils croient que la Vierge et Jésus, sous la conduite de saint Christophe ou de quelque autre saint renommé jadis pour la vigueur de ses muscles, se promènent sur les routes pour s’enquérir des