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pour remplir agréablement la veillée si une rumeur grossissante, dans la nuit, n’annonçait tout à coup rapproche des chanteurs de la part à Dieu.

« Temps heureux pour les humbles, dit justement le barde Quellien, cette quarantaine qui s’écoule de la Noël à la Chandeleur ! » Il y a peu d’années encore, dans certaines villes comme Morlaix et Lesneven, on les voyait errer de rue en rue, flanqués d’une haridelle et criant l’antique Aguilané, altération de Guin an eit (le blé germe) ou, suivant d’autres, d’Acquit l’an neuf, dont le sens est plus aisé à entendre. À Landerneau, ils se faisaient précéder d’un des leurs, travesti pour la circonstance en massier et qui brandissait une manière de bâton de commandement semblable à nos petits balais de carnaval. L’Aguilané poussé d’une voix forte, un dialogue s’établissait entre le chef de la bande et les gens du logis. Vous en trouverez un spécimen tout à fait gracieux dans le Barzaz Breiz de la Villemarqué. Mais cet usage s’est perdu dans les villes comme dans les campagnes, sauf peut-être en quelques bourgs des Montagnes-Noires et de l’Arrhée finistérien. Perdu également, celui des mystères joués au crépuscule dans une grange éclairée de mauvais suifs et qui représentaient la Nativité de Jésus. Les mendiants-chanteurs d’aujourd’hui n’ont plus de cheval ni de massier ; ils n’engagent plus de dialogue avec les gens. Clopin-clopant, traînant leurs infirmités de porte en porte, ils s’en viennent isolément ou par petits groupes, n’ayant gardé de leur antique cérémonial qu’une branche d’aubépine enrubannée et le