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Nivirit, Guerbanaco, Crechlénc’h ou Rospollen à votre choix, L’espèce n’est point rare, en Bretagne, de ces manoirs comme celui où nous venons de pénétrer sans autre cérémonie et il faut convenir aussi que ce sont les plus élémentaires manoirs du monde. Grâces soient rendues à la modestie de leur architecture, à leur éloignement des grandes routes, aux bois qui les enveloppent, aux longues solitudes qui les gardent : par ainsi Joanne les ignora et leur fut assuré le silence du guide Conti ! Bâtis d’ordinaire au XVIe siècle, ils se composent uniment d’un grand corps de logis dont la cage d’escalier s’arrondit en tourelle et que précède une cour au porche monumental. Cette tourelle et ce porche, ne leur demandez point d’autre ornement. Mais, s’ils ne voulaient point dire richesse, porche et tourelle étaient signes de noblesse jadis. Les gentilshommes qui vivaient là étaient des cadets de famille, qui, plutôt que de monter derrière les carrosses du roi ou de quémander un bénéfice, avaient mieux aimé demeurer sur leurs terres et les exploiter de leurs mains. « Te voilà donc valet, mon petit cousin ? » disait l’un d’eux à un jeune homme qui venait d’entrer dans les pages. L’indépendance, avec la médiocrité, leur paraissait un sort plus enviable, plus digne surtout. Ils allaient aux champs l’épée au côté et, pour conduire leur charrue, déposaient cette épée contre une souche et la reprenaient ensuite. Ils conservaient leurs bancs à l’église et mettaient des gants le dimanche. Une fois tous les deux ans, on les voyait qui se rendaient à petites marches aux États de Bretagne, où leurs bidets jaunes, leurs costumes gothi-