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ces vieilles servantes dont l’affection pour le maître nourri par elles se relient du sentiment de leur infériorité domestique. — « Monsieur notre fils est arrivé en vacances… Monsieur notre fils rentre après demain au séminaire… » — Pour les voisins mêmes, pour les compagnons d’âge des premiers jeux, ce n’est plus Yves, Corentin ou Hervé, mais Monsieur Yves, Monsieur Corentin, Monsieur Hervé. La marque de Dieu est sur lui et tous l’honorent en lui. Combien plus, quand il aura reçu l’ordination !

Ce peuple est foncièrement théocratique ; les plus habiles lois du monde n’y pourront rien. Le prêtre, chef absolu et spirituel, le demeure presque partout ici au temporel. Il n’y a pas longtemps qu’à l’île d’Houat le curé faisait office de maire, de syndic, de notaire et de juge ; il recevait les testaments, décidait entre les parties et négociait directement les affaires de la corporation des gens de mer avec le commissaire de l’Inscription maritime. On ne s’en plaignait point. Aujourd’hui encore, et à quelques paroisses près, le curé reste l’arbitre le plus invoqué et le mieux écouté. Cela se marque à ses prônes ; ce sont moins des sermons qu’une consultation sur les sujets généraux les plus variés : récoltes, marchés, foires, élections. Il décide souverainement et de tout. Quand on a voulu vaincre l’opposition des campagnes à la vaccine, il a fallu s’adresser au clergé ; son intervention n’a pas été moins efficace dans les épizooties. Qui dit prêtre, pour le Breton, dit science, possession de soi, autorité.

On l’appelle même pour les affaires de famille. Il