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prône, les prières se font en breton. Lui-même, c’est sa langue maternelle. Il n’en connut pas d’autre jusqu’au jour où « monsieur le recteur », remarquant au catéchisme son air docile et appliqué, le demanda aux siens pour en faire un prêtre. Et voici qu’après les longues années d’étude, après le séminaire, le diaconat, l’ordination, à vingt-cinq ans il est revenu de la ville. Monseigneur l’a nommé vicaire dans quelque cure perdue de la Cornouaille ou du Goëlo ; il y attendra de passer recteur à l’ancienneté. C’est l’existence la plus unie. Elle tient toute dans les exercices de son ministère. Il n’est point jusqu’à la direction de ses affaires domestiques qui ne soit laissée à la vénérable et discrète carabassenn, sorte de maître Jacques féminin, Atlante de presbytère, qui, sur ses robustes épaules, porte sans faiblir la responsabilité des triples fonctions de gouvernante, de cuisinière et de sacristine. S’il s’absente de la paroisse, c’est seulement pour un pèlerinage ou une conférence. « O Breiz-Izel, dit un gwerz, Bretagne, terre sacrée des marins, des bardes et des prêtres ! »

Surtout des prêtres. Le même respect, mêlé de crainte, les y entoure qu’autrefois. Du jour que leur enfant est entré au grand séminaire, ses parents ont cessé de le tutoyer et de l’appeler par son prénom. Il y a eu abdication de l’autorité paternelle. Abdication toute volontaire, toute spontanée, prévue du père et par avance acceptée du fils, celui-ci et celui-là conscients d’une subite interversion dans les rangs qu’ils occupaient. Et, chez la mère aussi, la tendresse s’est voilée, s’est faite discrète et humble, comme de