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moins profonde dans le peuple, mais elle n’est plus surexcitée et comme chauffée à blanc par l’apparition périodique des terribles fléaux qui passaient pour les signes visibles de la colère de Dieu. Dès l’instant que ces fléaux cessent, le faisceau des terreurs individuelles se relâche ; l’exaltation tombe ; les consciences reprennent leur niveau : il n’est plus nécessaire d’en appeler à Dieu par l’une de ces grandes manifestations concrètes, par l’un de ces grands mea culpa plastiques que furent à l’origine les calvaires bretons. La plupart d’entre eux ont ainsi perdu de leur signification primitive. Ils ne répondent plus aux besoins

    avons eu certains jours jusqu’à 1.200 travailleurs à la fois. Beaucoup faisaient à pied 6 lieues et davantage. Un jour, des femmes pauvres qui n’avaient pas de quoi payer le chemin de fer sont venues à pied de 12 lieues de distance. Elles étaient parties la veille. Les plus éloignées partaient d’ordinaire à minuit, parfois à dix heures du soir, pour être ici à 5 heures du matin. Un jour, un train spécial nous amena 800 travailleurs. Un autre jour, il nous en amena 600. Certains de ces travailleurs avaient fait à pied 4 lieues pour se rendre à la gare. Pour cela il leur avait fallu se mettre en route à minuit. Ils avaient dépensé 4 francs pour leur billet de chemin de fer. Après avoir travaillé toute la journée, ils repartaient heureux d’avoir contribué à une œuvre appelée à mieux faire connaître et aimer Jésus-Christ, contents d’avoir par là une part à la gloire et au bonheur des apôtres. Souvent ils ne pouvaient être de retour chez eux qu’à minuit. C’était la journée complète. Mais plus il y avait de fatigue, plus il y avait de joie, car il y avait plus de mérite. » Ne croirait-on pas lire une scène du moyen-âge ? La vie publique et privée, dans les campagnes bretonnes, est pleine d’anachronismes du même genre.