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à côté de lui, comme sur le portail latéral de l’église le bœuf qui, suivant la tradition, aurait spontanément charroyé les matériaux avec lesquels il édifia son ermitage. Réduite au strict minimum, la figuration du grand drame religieux sculpté sur les frises du calvaire de Saint-Thégonnec est moins dramatique aussi qu’à Guimiliau et à Plougastel. Mais il faut mettre hors de pair l’émouvante Pieta, la Vierge-Mère affaissée au pied de la croix principale. Signalons enfin, à côté de Pilate, un soldat romain qui tient un cartouche où on lit : Ecce Homo.

Un dernier calvaire nous reste à visiter. C’est le plus moderne des grands calvaires bretons : une inscription, gravée sur la table de la Cène, nous apprend qu’il fut « fait à Brest par V. IV. (Yves ?) Ozane, architecte » ; une autre, qu’il fut construit en 1650, en plein XVIIe siècle, et voilà bien ce qui en fait l’étrangeté.

Tout, en effet, dans ce calvaire, revêt un caractère d’archaïsme très prononcé. Nous sommes sous Louis XIV, et les acteurs de la Passion se présentent à nous avec les pourpoints tailladés, les fraises et le harnois de guerre des contemporains de Henri II. Faut-il croire qu’Ozane, comme on l’a supposé, s’est borné à copier d’anciens modèles ? A-t-il cru, ce faisant, donner à son œuvre une façon de couleur locale et le recul nécessaire pour permettre de la mieux juger ? Toutes les suppositions sont permises.

Mais Ozane, s’il s’inspire de ses prédécesseurs, ne les copie point servilement. M. Léon Palustre signale avec raison l’évidement du massif central